Voici cet article du JDD :
Un projet de recherche européen
Les trajets province-province? Dans bien des cas, ils relèvent du parcours du combattant. Prenez un voyage de Rouen à Bordeaux. Il vous faudra cinq heures au bas mot pour relier les deux villes par le train, via le métro parisien, à condition toutefois de ne pas avoir raté vos correspondances. Une solution plus rapide existe pourtant, du moins dans les cartons de l’Onera. Cet établissement public de recherche spécialisé dans l’aérospatiale a, en effet, dirigé un projet de recherche européen qui vient de se terminer. Treize partenaires provenant de douze pays y étaient associés. Résultat de leurs cogitations qui ont duré trois ans : un concept de "transport personnel public" des plus innovants. Une sorte d’"Avionlib’" automatique, rapide et écolo, que ses concepteurs ont appelé " pplane" pour "personal plane" ou "avion personnel".
Pas de pilote à bord, mais un parachute...
Habitant à Rouen, vous décidez un vendredi de partir en week-end dans la région de Bordeaux avec votre famille. Depuis votre téléphone portable, vous réservez l’un de ces avions équipés de six moteurs à hélice et demandez qu’il soit prêt pour 18 h 30. Le temps de rejoindre l’aérodrome le plus proche – un grand nombre des 500 aérodromes existants ont été équipés pour accueillir des pplanes – et vous montez dans le petit appareil, doté de quatre places, qui vous a été affecté. Aucun pilote ne monte à bord. Le pplane est, en effet, un avion automatique. Il décolle, navigue et atterrit sans l’aide d’un humain. Déterminé au moment de la réservation du vol, l’itinéraire de chaque pplane est choisi pour éviter les collisions avec d’autres appareils. L’ensemble des trajets est centralisé dans un vaste système informatique de gestion du trafic aérien.
Tiré par un chariot glissant le long d’un rail, l’avion se dirige vers la piste d’envol ou plutôt la rampe de lancement. Car pour gagner de la place au sol et permettre à l’appareil d’économiser l’énergie qu’il embarque, celui-ci est catapulté depuis une rampe légèrement pentue, d’une longueur de 200 m. Très supportable, l’accélération ressentie dépasse légèrement celle d’un avion gros porteur au décollage. Le pplane ne vole pas très haut, vers 3.000 ou 4.000 m, contre 10.000 pour un Airbus. "À plus haute altitude, où l’air se fait rare, il faudrait que l’appareil soit pressurisé. Cela nécessiterait des équipements qui complexifieraient sa fabrication et augmenteraient son coût", explique Claude Le Tallec, de l’Onera, responsable scientifique et technique du projet pplane. En cas de besoin, un pilote au sol peut prendre la main.
"Si l’un des capteurs de l’avion détecte, par exemple, une fissure dans le pare-brise, l’appareil est dérouté en urgence vers l’aérodrome le plus proche avec l’assistance de cet expert." En cas de problème grave, un parachute permet à l’avion de retourner sur le plancher des vaches sans dommage, technique déjà employée sur certains avions légers comme le Cirrus SR22. À la fin du vol, l’avion, qui n’est pas doté de train d’atterrissage, se pose en visant une rampe d’atterrissage comparable à celle qu’il a empruntée pour décoller. Pour franchir les quelque 500 km qui séparent la Normandie de l’Aquitaine, deux heures et demie seulement auront été nécessaires. Et pour un prix des plus abordables : si des tickets pour un voyage en pplane étaient aujourd’hui en vente, leur prix serait légèrement supérieur à celui d’un billet de TGV, estiment les experts de l’étude. À condition toutefois que les trois quarts des aérodromes puissent accueillir de tels avions et que leur taux de remplissage soit proche de 100%.
Techniquement opérationnel en 2030
"On doit se demander si un tel scénario serait accepté par la population, note Gérard Feldzer, expert aéronautique. L’absence de pilote risque de cristalliser les réticences, même si les drones sont de plus en plus sûrs." En effet, un rapport américain montre que le drone Predator de l’US Air Force présente déjà le même niveau de sûreté que l’aviation de loisir et d’affaires. Quant aux nuisances des pplanes, elles sont faibles : avec leurs six moteurs électriques, ces aéronefs ne feront pas de bruit en vol et le libéreront aucun gaz d’échappement. Reste à savoir quand les pplanes sillonneront le ciel de France. "Techniquement, le système pourrait être opérationnel en 2030. Mais, au rythme où ce genre de projet voit le jour, il faudra probablement attendre 2050", indique Claude Le Tallec.
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